Généralisation de la protection sociale au Maroc : les autres causes de la convergence.
La généralisation de la protection sociale au Maroc reste parmi les projets structurants les plus emblématiques sur lesquels l’ensemble des forces de nation sont engagées corps et âme pour le réussir, car il constitue le point d’inflexion majeur vers la concrétisation de l’État de droit, de la démocratie, et de la solidarité qui rassemblent depuis toujours les Marocains.
De ce fait, et dans le cadre de la série des articles dédiés à la protection sociale au Maroc, la présente feuille sera consacrée à l’analyse des autres réformes engagées par le royaume à fin de réussir la transition sociale.
Dans ce sillage, et après une mise en point sur la gouvernance et le financement (article précèdent), cette fois-ci, un éclairage sera porté sur les autres composantes nécessaires à la réforme souhaitée, en l’occurrence : la réforme de la santé, du ciblage sociale et la réforme fiscale…, et sur lesquels les pouvoirs publics consentis des efforts intenses afin d’asseoir le chantier de la protection sociale sur la voie de la possibilité et la durabilité.
I-Réforme du secteur de la santé.
La réforme du secteur de la santé vise à relever des défis stratégiques majeurs qui empêchent les politiques publiques sanitaires de jouer pleinement son rôle catalyseur de protection et qui limitent par ricochet, la portée de sa performance globale. Ces défis sont principalement liés à l’offre des infrastructures sanitaires, à la problématique des ressources humaines, ainsi que le nexus digitalisation-gouvernance de la carte sanitaire nationale.
En matière de l’offre sanitaire : La réussite du projet de la protection sociale reste tributaire de l’efficacité du secteur de la santé dont lequel les pouvoirs publics déploient des efforts considérables afin de rehausser le potentiel du système sanitaire et le rendre au diapason des exigences et à la hauteur des défis sociaux du moment.
Sur le volet budgétaire, le budget alloué à ce département a connu une augmentation conséquente, passant à 28,12 milliards de dirhams contre 23,54 milliards de dirhams en 2022, soit une hausse de 19,5%. Pour combler les besoins en ressources humaines, notamment en personnel médical et paramédical, ce ministère, ainsi que les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU), a bénéficié de postes budgétaires supplémentaires.
Ainsi, Dans le projet de la loi de finance de 2023, 5.500 postes budgétaires seront accordés au ministère de la Santé, portant le total des créations sur la période 2017-2023 à 36.117 postes budgétaires, dont 30.000 postes au profit du département de la Santé. Le programme de renforcement de la densité du personnel de santé à l’horizon 2030 (médecins, pharmaciens, médecins dentaires, infirmiers et techniciens de santé) aura un coût global d’environ 2,45 milliards de dirhams.
Dans ce registre, et aux regards de ces efforts budgétaires, les pouvoirs publics misent sur trois piliers majeurs fondateurs de la réforme de la santé, à savoir : l’offre sanitaire, les ressources humaines et la gouvernance digitale.
La mise à niveau des structures de l’offre hospitalières, l’organisation et l’amélioration de la filière et services de soins, se veut un axe prioritaire du gouvernement, ce qui permet de proposer un contenu de qualité, en termes, de rapidité de réponse des services d’accueils et médicaux dans le traitement des dossiers des patients, ainsi que, le rehaussement de la performance du matériel et équipements des hôpitaux.
Le ministère de la tutelle en la personne du ministère de la santé vise également l’actualisation du système d’évaluation et d’accréditation des établissements de santé, de la réorganisation appropriée des services hospitaliers implantés sur le littoral marocain, ainsi que, l’identification d’un circuit des soins qui retrace les modalités de transferts par les différents établissements de santé primaires et des médecins généralistes ou de famille…
Ces dispositifs permettront, en outre, d’assurer une meilleure qualité des soins, de valoriser et moderniser les infrastructures sanitaires du royaume et de s’aligner aux exigences des standards internationaux en la matière.
En matière des ressources humaines : la problématique des ressources humaines reste parmi les grands défis du secteur de la santé et pour lesquels le gouvernement prétend une attention particulière. À cet égard, et sur la foi des statistiques, la dernière sortie du chef du gouvernement, en réponses aux interventions des groupes parlementaires, Aziz Akhannouch n’a pas nuancé le sérieux problème que posent les ressources humaines dans le système de la santé. Le Maroc peine à combler le déficit dans les rangs des médecins (-32.000), souvent reconnu dans le monde occidental.
Ce déficit chronique dans le personnel médical est dû principalement à l’immigration des compétences vers l’occident, attirés par des meilleures rémunérations. À ce titre, le chef du gouvernement a dit que : « Il est inacceptable que des pays nous prennent des cadres que nous avons formés juste parce qu’ils sont capables de leur offrir de plus hauts salaires ».
En termes de chiffres, L’Exécutif, selon lui, a mis 3 milliards de dirhams pour augmenter le personnel de Santé à 24 pour 10.000 habitants d’ici 2025, puis à 45 à l’horizon 2030, en vue de se conformer aux normes de l’OMS, lesquelles sont de 23 professionnels de la santé pour 10.000 habitants. L’objectif est d’arriver à 68.000 en 2022 et plus de 90.000 d’ici 2025.
C’est dans cet état d’esprit, que s’inscrit la stratégie de la réforme du secteur sanitaire, qui aspire à une mise en application d’un statut particulier incitatif au corps médicale, en vue de promouvoir le recrutement et de combler le déficit des compétences dans ce secteur stratégique, en recourant, outres le recrutement classique, par des mesures incitatives à encourager des médecins étrangers et marocains exerçant en dehors du Royaume, à s’installer au Maroc de manière provisoire ou définitive. (loi n° 33-21, modifiant et complétant la loi n° 131-13 relative à l’exercice de la médecine).
Rappelant que l’objectif visé, à cet égard, est de porter le taux du nombre de cadres médicaux pour 1 000 habitants à 2,5 en 2025, afin d’atteindre 4,5 en 2030 et de rejoindre ainsi la proposition du Nouveau Modèle de Développement, qui elle-même s’inscrit en conformité avec la recommandation de l’Organisation Mondiale de Santé (OMS).
En matière de gouvernance digitale : la gouvernance sanitaire via les plateformes digitalisées est parmi les actions prioritaires de l’État dans ce secteur névralgique afin de permettre aux décideurs publiques de disposer des données fiables en temps réel sur la santé publique, d’opérer ainsi les diagnostics nécessaires de la carte sanitaire nationale en terme d’analyse stratégique en capitalisant les points forts et en pointant à l’index les points faibles, les insuffisances à combler, les carences, gaps et retards à rattraper.
En outre, ce chantier numérique appréhende à doter les acteurs sanitaires des meilleurs outils dans le domaine de la gestion hospitalière et la planification territoriale, dans le but d’éclairer les responsables sur la prise de décision, d’assurer une meilleure implémentation des programmes régionales et de permettre à terme, de porter un jugement sur la pertinence, la cohérence et la performance des choix optées.
Sur ce volet, l’effort des pouvoirs publics aspire sur le plan des mécanismes d’intervention des acteurs, en plus de la mise en place d’un Système d’Information intégré qui permettrait un suivi précis de chaque patient, une identification et évaluation des filières de soins, a travers la création de trois nouveaux organismes, qui sont la Haute Autorité de santé, l’Agence des médicaments et produits sanitaires et l’Agence du sang et ses dérivés.
En ce qui concerne la gestion hospitalière, ce dispositif de gouvernance vise à superviser le pilotage des programmes de santé via un contrôle des missions et fonctions au niveau central du ministère de tutelle, ainsi que le recours aux plateformes digitales et aux nouvelles technologies dans le management sanitaire et ouvrir les jalons d’une coopération fructifiée entre toutes les parties prenantes qui opèrent dans le secteur de santé via des partenariats public-privé.
parallèlement aux deux composantes susvisés, l’exécutif vise le parachèvement de la gouvernance par une bonne planification territoriale de l’offre sanitaire via la création des commissions sanitaires qui sont activés au niveau nationale. Ils ont assigné comme rôle d’assurer au niveau des périmètres régionaux, la mise en cohérence et en harmonie du programme national en matière de préparation et d’exécution des projets d’investissement et de veiller à la bonne conduite de ces plans qui ressort de leurs champs de compétence.
II-Politique de ciblage : opérationnalisation du Registre Social Unifié (RSU) ;
La loi relative au dispositif de ciblage des bénéficiaires des programmes d’appui social vise la création, en plus du registre social unique (RSU), un Registre National de la Population (RNP) et une Agence Nationale des Registres (ANR).
Elles se présentent ainsi comme des instruments sociaux les plus adaptés pour une bonne gestion des deniers publics dont la destination est la lutte contre la pauvreté et la vulnérabilité. De tels mécanismes permettant de renforcer l’harmonie entre les programmes d’appui social, à travers une vision globale, pour les mettre en œuvre d’une manière juste et sincère et garantir la coordination et la convergence de ces programmes.
Ce dispositif affiche des objectifs de la bonne gouvernance qui gagne en efficacité et équité dans l’achèvement des programmes de sécurité et d’assistance sociale au profit des populations démunies.
Certes, la réalisation de ces objectifs reste évidemment tributaire de l’achèvement de plusieurs actions, entre autre : l’instauration et le développement d’une base statistique de données sociales qui doit être exhaustive, actualisée, harmonieuse et fiable, regroupant les principales variables pertinentes pour la sélection des populations ciblées.
Ainsi, d’autres actions doivent être accomplies comme le maintien d’un degré de transparence et d’efficacité dans la gouvernance du système, de recourir à des méthodes statistiques scientifiques de sélection des populations bénéficiaires, de garantir une grande coordination et convergence des programmes à travers des mécanismes de pilotages, de suivi-évaluation de ces programmes sociaux.
III-Réforme fiscale: instauration de la Contribution Professionnelle Unique (CPU).
La contribution professionnelle unique est un dispositif fiscal qui vise l’instauration d’un mécanisme contributif de solidarité sociale. Elle a été introduite en application à compter du 1er janvier 2021, sur abrogation du régime des revenus professionnels des forfaitaires.
Néanmoins, l’objectif recherché derrière ce dispositif est de permettre à cette catégorie des personnes physiques à revenu modeste de bénéficier d’une couverture médicale de base, de simplifier le système fiscal applicable en la matière, d’harmoniser le mode d’imposition des revenus des commerçants, des indépendants, des personnes physiques exerçant des professions libérales et ceux qui opèrent dans le secteur informel…, de créer en outre les conditions propices vers le développement d’un climat de confiance et d’adhésion volontaires des populations concernées, de généraliser l’assurance maladie obligatoire contre les risques sociaux et d’aboutir à réaliser la justice et l’équité fiscale.
En définitive, l’aboutissement de cette stratégie de protection sociale en cours de déploiement par les pouvoirs publics reste tributaire de l’achèvement des autres chantiers stratégiques, en l’occurrence la gouvernance, la pérennisation des circuits de financement, de la réforme de la santé, de réussir la politique de ciblage sociale ainsi et non des moindres l’adhésion sociale à la réforme fiscale.
En outre, la réussite de ces mesures d’accompagnement nécessite, d’emblée, une disponibilité d’un bon système d’information statistique central qui chapeaute l’ensemble des secteurs en phase avec le chantier de la protection sociale.
En effet, c’est cette cohérence globale entre tous les systèmes, qui va assurer la clé de voûte de la réussite de la transition, afin d’asseoir une bonne politique, en termes de pilotage harmonisé et d’interopérabilité dans le déploiement des bonnes pratiques en matière de gouvernance de politique publiques de sécurité sociale.
- Page instagram : www.instagram.com/lesavoireco/
- Page facebook : www.facebook.com/lesavoireco/
- Page twitter : www.twitter.com/lesavoireco