Gestion de l’eau au Maroc : stratégies et facteurs de résilience.

Comme il est indubitable que la gestion de l’eau au Maroc est devient un axe prioritaire des pouvoirs publics, du fait de l’urgence signalé du stress hydrique et la situation inquiétante à laquelle arrive la ressource hydrique, sachant que le potentiel des ressources en eau renouvelables du pays est évalué actuellement à 22 milliards de par an, soit le seuil de la pauvreté voir, la rareté en cette denrée vitale et non entièrement renouvelable reconnu par les normes internationales.
De ce fait, la ressource hydrique au Maroc est menacée à bien des égards : le changement climatique, la dégradation des sols sous l’effet de la pollution, la pression démographique, la succession des périodes de sécheresses, l’insuffisance en termes de gouvernance et gestion du secteur de l’eau… sont autant de facteurs et bien d’autres, qui expliquent la dérive aquifère alarmante que connait le pays.
Cependant, et conscient de la lourdeur de ses contraintes, le souverain a rappelé à plusieurs reprises, la dernière datant, à l’occasion de l’ouverture au parlement de la session parlementaire le 14 octobre 2022, il a souligné, la nécessité de préserver cette matière vitale pour une approche intégrée, responsable et participative de l’ensemble des acteurs et citoyens.
Face à cette situation, notre pays redouble d’efforts et met les bouchées doubles en matière de gestion du secteur de l’eau, dans l’espoir de réduire, un tant soit peu, les effets néfastes de cette situation défavorable. Dans ce cadre, plusieurs stratégies ambitieuses sont mises en œuvre, afin d’atténuer les effets néfastes de cette calamité, entre autre : la Stratégie Nationale de l’Eau (SNE, 2009-2030) et du Plan National de l’Eau, ainsi que d’autres programmes dans l’objectif d’instaurer une gestion hydrique efficiente et respectueuse de l’environnement.
Pour répondre à cette problématique, on va subdiviser cet article en deux points : dans un premier temps, nous exposons les principales stratégies qui gouvernent la gestion du secteur de l’eau, alors que dans un deuxième temps, nous avons présentons les mesures prises par le Royaume pour faire face au stress hydrique.
I- Les stratégies nationales de la gestion de l’eau :
Plusieurs stratégies sont implémentées par le royaume afin de lutter contre la baisse drastique de la ressource hydrique du pays, il s’agit de la stratégie nationale de l’eau et le plan national de l’eau (PNE) qui s’inscrit dans son sillage le Programme National d’Approvisionnement en Eau Potable et d’Irrigation (PNAEPI) et le Plan National d’Economie d’Eau d’Irrigation (PNEEI).
Stratégie nationale de l’eau 2009-2030 : La politique des grands projets du Maroc est concrétisée en matière de l’eau par la mise en œuvre de la stratégie nationale de l’eau, qui se veut une feuille de route à long terme afin d’assurer, la mobilisation hydrique, la gestion de la demande et sa rationalisation ainsi que la sauvegarde de la sécurité en eau du pays.
Pour réaliser cet objectif majeur, plusieurs actions stratégiques sont prises, en l’occurrence : la gestion et la valorisation rationnelle de la demande en eau, diversification et multiplication des sources d’approvisionnement en eau, l’amélioration de la qualité de la ressource hydrique à travers la lutte contre la pollution.
Pour concrétiser ces actions, Plusieurs programmes ont vu le jour notamment : le programme d’économie d’eau potable, le programme national d’économie en eau d’irrigation et le programme de reconversion à l’irrigation localisée.
Plan national de l’eau (PNE 2020-2050) : s’inscrit dans le prolongement de la SNE, il vise à continuer la mise en œuvre des ouvrages en matière de l’eau. Il se veut un plan d’action pour relever les défis et contraintes de ce secteur au cours des 30 prochaines années.
Cependant, le PNE a pour objectif : de garantir la satisfaction des besoins en eau du pays, d’améliorer l’offre hydraulique, la gestion rationnelle de la demande, par une série de programmes comprenant des constructions de barrages, des connexions de bassins hydrauliques, l’établissement des stations de dessalement d’eau de la mer, instaurer une meilleure allocation de ressources en eau propre, au développement d’une agriculture durable et, en fin, des mesures qui seront dédiées à la préservation des écosystèmes et de lutte contre la pollution.
Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI 2020-2027) : Ce dispositif vise : la généralisation de l’accès de la population à cette matière essentielle, il est également prévu, au niveau d’irrigation agricole, d’équiper une superficie additionnelle, en techniques économes en eau, ce qui permettrait d’augmenter à la fois les superficies dotées de ce type d’irrigation et de rationnaliser l’usage de l’eau dans ce secteur névralgique qui consomme une grande partie des ressources hydriques du pays.
Plan National d’Economie d’Eau d’Irrigation (PNEEI 2010-2030) : qui sera réalisé sur une période de 20 ans, Ce programme a permis l’extension des superficies équipées en Techniques économisatrices en eau, Permettant de réaliser des économies substantielles en eau et préserver pareillement la matière du gaspillage dans le secteur agraire, fort consommateur de la ressource hydrique, ce qui va engendrer une meilleure efficience en termes du rapport économie-rendement.
II- Les facteurs de résilience du Maroc face au stress hydrique :
L’implémentation de l’ensemble de ces stratégies a permis au Maroc de développer une capacité d’adaptation importante face aux chocs climatiques. Cette résistance s’explique via une gestion judicieuse de la ressource hydrique à la fois en termes d’offre et de demande.
1- Gestion de l’offre hydrique :
La gestion de l’offre se matérialise par l’effort considérable consenti par le gouvernemental dans la collecte et la mobilisation des ressources hydriques à travers la construction des barrages, et la création des canaux de connexions hydrauliques entre les bassins afin de générer une solidarité entre les régions excédentaires et ceux déficitaires.
1-1 Mobilisation des ressources conventionnelles :
- La construction des ouvrages hydrauliques :
Le Maroc a réalisé des succès importants en matière de la construction des barrages. Ainsi, dans le cadre du PNE :
La gestion de l’offre hydrique a permis la réalisation de 149 grands barrages d’une potentialité de stockage totale de plus de 19 milliards de m3, en plus de 136 petits barrages en exploitation, sans parler de la réalisation à l’horizon 2030 de 59 nouveaux barrages dont 28 d’entre eaux d’une grande dimension.
D’ailleurs, le PNAEPI 2020-2027 qui vise à réaliser 20 nouveaux barrages sera porté le nombre à 184 barrages après l’achèvement de tous les ouvrages hydrauliques en cours de construction et programmés dans le cadre de ce plan.
Il y a également le Lancement du projet ambitieux de transfert des eaux des bassins du nord excédentaires vers les régions du centre-sud déficitaires. Cette stratégie s’inscrit dans le cadre de la réalisation d’une certaine solidarité hydrique entre les régions.
- Exploitation rationnelle des eaux souterraines et à la préservation des nappes phréatiques :
Parmi les facteurs responsables du stress hydrique est la surexploitation de la ressource souterraine à travers l’excès en forage des puits dans le domaine agricole, qui a provoqué une mobilisation importante des eaux profondes.
Cela a créé avec le temps un déficit endémique dans les nappes phréatiques. En cause de cette situation la baisse des précipitations et la recrudescence successive des années de sécheresses. Une donne qui a bouleversé les écosystèmes et la biodiversité, menaçant plusieurs espèces végétales et animales vers la voie de l’extinction.
Ces contraintes ont mobilisé le gouvernement par des mesures et sanctions coercitives contre les abus et les irrégularités, dans le sens de rationaliser et réduire l’exploitation des eaux souterraines et de redonner l’élan aux nappes phréatiques et à l’équilibre écologique.
1-2 Les ressources hydriques non conventionnelles :
- Epuration- réutilisation des eaux usées :
Cette stratégie de grande envergure a été concrétisée dans le plan national pour la réutilisation des eaux usées épurées. À rappeler que le Maroc, a fixé l’objectif ambitieux de réutiliser 325 millions/ m3 cubes à l’horizon 2030, dont 59 Millions/m3 dans le bassin de Sebou. 34 millions/m3 des ressources réutilisées au niveau du bassin iront pour l’irrigation, 15 millions de m3 serviront à l’arrosage des espaces verts et des golfs, et 10 millions/m3 pour la recharge de la nappe.
Dans le même sillage, et dans le cadre de différents partenariats et conventions entre l’Etat et acteurs privés, le plan national pour la réutilisation des eaux usées épurées, en cours de finalisation, vue le jour, permettra la mobilisation d’un volume additionnel de 325 millions de m3 à l’horizon 2030, soit un taux d’épuration des eaux usées de 100%.
- Dessalement De l’eau de la mer :
L’objectif à atteindre par le plan Nationale de l’Eau, porte sur un volume de 510 millions de m3 par an à atteindre à l’horizon 2030. A ce titre, le Maroc vient de lancer le projet de partenariat public-privé pour la construction d’une unité mutualisée de dessalement d’eau de mer pour l’irrigation et l’alimentation en eau potable à dimension régionale. A ce titre, le projet de dessalement de l’eau de la mer de sous massa, et du grand Casablanca n’est qu’un exemple à méditer par d’autres zones géographiques à l’avenir.
En effet, La multiplication des stations est devenue beaucoup plus faisable aujourd’hui grâce à la stimulation du progrès technique et la rentabilité économique qui génère ce domaine, comme en témoigne le directeur général de l’Office Nationale de l’Eau et Electricité (ONEE), monsieur El Hafidi en décembre 2022 dans une interview que le Royaume a été pionnier dans le dessalement de l’eau de mer.
« La première station a été construite à Boujdour en 1977, pour un coût de production de 50 DH le m3, faute de technologies. Aujourd’hui, le coût de production ne dépasse pas 6 à 7 DH le m3», explique le directeur, donnant l’exemple des stations d’Agadir et d’Al Hoceima, où une technologie américaine qui permet de réutiliser une bonne partie de l’énergie utilisée dans la production de l’eau a été introduite. « Cette technologie nous a ainsi permis de baisser le coût de l’électricité utilisée dans ce processus industriel de 35 %».
Rappelons qu’actuellement, le Maroc dispose de 9 stations de dessalement d’une production globale de 147 millions de m3 par an et, selon le ministère de tutelle, une vingtaine d’autres seront réalisées à l’horizon 2030 pour une production de plus de 720.000 m3 par jour.
2- Gestion de la demande hydrique :
Dans ce contexte de stress hydrique, la gestion de la demande que ce soit agricole, industriel ou de consommation domestique relève une nécessité absolue. Les statistiques ne manquent pas pour montrer l’effort incontestable mené par l’exécutif afin de réussir cette étape charnière et transitoire vers une bonne gestion de la ressource.
Néanmoins, L’importance accordée à cette approche se voit ces dernières années à travers les montants budgétaires allouées qui s’érige en axe prioritaire, la preuve est que la répartition des coûts d’investissement projeté par le PNE à l’horizon 2030 faisant ressortir que 46,4% du coût global de ce plan sera alloué a la gestion de la demande et la valorisation de l’eau (économie d’eau d’irrigation, économie d’eau potable, équipement hydro-agricole et production hydro-électrique), contre 32,8% consacré à la gestion et au développement de l’offre (réalisation des grands et petits barrages, entretien des ouvrages hydrauliques, transfert intra-bassin, dessalement, déminéralisation des eaux saumâtres, collecte et utilisation des eaux pluviales).
En toile de fond, et Parmi les volets importants qui suscitent l’intention en matière de la gestion de l’eau, en trouve la rationalisation de son l’usage et la sauvegarde en eau superficielle et profonde.
1- Rationalisation de l’utilisation de l’eau :
Une bonne gestion de l’usage de la ressource hydrique est devenue beaucoup plus que jamais accessible et faisable, en vogue ces derniers temps, grâce au développement technologique et le recours aux innovations et techniques nouvelles en la matière, surtout dans le domaine agraire et industrielle.
En effet, le Maroc a franchi des étapes importantes sur le plan d’utilisation des techniques économes en eau. Le (PNEEI) un des programmes prioritaires du Plan Maroc Vert (PMV), Ce programme a permis l’extension des superficies équipées en Techniques économisatrices en eau pour atteindre 570.000 ha, soit près de 32% de l’ensemble des superficies irriguées. Permettant de réaliser des économies d’eau de près de 2 milliards de m3 par an.
Ce programme, permettrait d’augmenter les superficies dotées de ce type d’irrigation à près de 940.000 ha au niveau national à l’horizon 2027, avec une économie annuelle de plus de 2,5 milliards de m3.
En plus de l’irrigation goutte-à-goutte, d’optimisation du rendement de ressources en eau, de la diversification des cultures, en donnant une plus large place aux cultures à haute valeur ajoutée, on promouvant le choix de pratiques agricoles favorisant l’adaptation au climat.
2- La sauvegarde de l’eau superficielle et profonde :
L’exploitation rationnelle des eaux souterraines et à la préservation des nappes phréatiques requiert une intention particulière de la part du gouvernement afin de lutter contre le déséquilibre écologique et environnemental. Le constat l’alarmant sur la dégradation des nappes est soulevé à plusieurs reprises par les décideurs publics. Les statistiques officielles prévoient que 97 % de l’eau produite provient des eaux de surface et des nappes, alors que seuls 3% proviennent du processus de dessalement.
Dans ce cadre, et compte tenu de ces évolutions inquiétantes, des mesures correctives et des sanctions sont prises contre les pratiques d’abus et irrégularités, en mettant fin au phénomène de pompage illégal et au creusement de puits anarchiques dans l’espoir d’atténuer la pression sur les eaux de surface et souterraines.
En guise de conclusion, et tenant compte de ces évolutions inquiétantes à laquelle arrive la ressource hydrique au Maroc, une meilleure gestion de l’eau nécessite une bonne implémentation intégrée de ces stratégies en amant et aval, avec une harmonisation du secteur agricole avec la contrainte hydrique, restant une dernière planche de salut.
Cette harmonisation doit être dans le sens d’adapter les cultures et les rendre plus résistantes aux chocs climatiques, de développer des variétés végétales génétiquement améliorées, à l’exemple des céréales et des légumineuses, dans une valorisation de la recherche agronomique et un encouragement à une plus grande acclimatation au déficit hydrique par la régularisation des techniques du semis direct et de l’irrigation d’appoint, afin de relever les défis hydriques et d’éviter la catastrophe.
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