Gouvernance et financement de la protection sociale au Maroc.

Gouvernance et financement constituent deux principaux volets sur lesquels le Maroc coordonne ces actions afin de réussir la réforme de la protection sociale qui marque cette nouvelle décennie et qui constitue, sans aucun doute, une résolution sociale inédite, qui s’inscrit dans le cadre d’une approche de continuité des grands projets. Cette politique a permis au Royaume de développer un profil de spécialisation incontestable, qui a ouvert la voie à son ancrage régional et international, et, par ricochet, jeté les bases d’une économie compétitive et résiliente.

Cet élan social s’est manifesté en pleine crise d’une pandémie mondiale, qui a laissé derrière elle un bilan lourd de conséquences, surtout, sur le plan socioéconomique. Le professionnalisme de longue date du Maroc dans le management des crises, lui permettant de réussir le défi et de porter les jalons d’une résolution sociale sans précédente via la généralisation de la protection sociale à tous les citoyens marocains résidents.

Cependant, et dans le cadre d’une série d’articles consacrés à la protection sociale, nous avons présenté dans les deux articles précédents, la genèse des régimes de prévoyance sociale au Maroc, les défis qui pèsent actuellement sur ce secteur névralgique, ainsi que, les tenants et les aboutissants de la réforme sociale engagée par les pouvoirs publics comme à la fois, palliatif de la crise de la covid-19 et réponse stratégique au développement socioéconomique qu’a connu le royaume ces dernières décennies.

Le présent article poursuit cet éclairage, on exposait désormais les facteurs clés de succès sur lesquels les décideurs publics travaillent afin d’inhiber les goulots d’étranglements du projet social en cours et créer les conditions propices au développement de l’effet de synergie escompté entre les variables du projet, nécessaire à la réussite de la transition sociale.

Cette fois-ci, l’analyse sera portée sur la gouvernance et le financement de la protection sociale comme deux variables majeurs à relever afin d’asseoir le train de la protection sur la trajectoire de la croissance et d’en provoquer l’épanouissement social pour lequel ce projet est dédié.

I- Gouvernance du système : socle de réussite de la réforme :

La création d’un système de gouvernance des données sociales de l’ensemble des intervenants, parties prenantes et organismes qui travaillent dans le système de la protection, est une étape décisive, voire cruciale, dont le but d’obtenir un meilleur système de collecte, de traitement et d’analyse des informations.

Ce mécanisme de centralisation va permettre de générer une vue d’ensemble de la matrice sociale, capable d’éclairer les décideurs publics via un diagnostic stratégique de la situation, sur les actions accomplies et les gaps à rattraper, ainsi de se renseigner et prévoir les manques, les insuffisances et les dysfonctionnements inhérents aux programmes sociaux concernées.

Dans ce sens, l’implémentation d’un tel système de gouvernance à la fois fiable et digitalisé est la clé de voûte pour relever les défis de la généralisation de la couverture médicale et réussir la transition sociale. Une étape décisive qui sera bénéfique pour unifier le cadre institutionnel, réduire le nombre des intervenants, fusionner les programmes sociaux ayant la même destination, afin de faciliter leur suivi-évaluation, ainsi de, simplifier et coordonner les procédures de leurs d’exécutions et optimiser, en fin compte, les coûts de gestion du système.

Cette politique de gouvernance et de pilotage du système de la protection sociale s’inscrit dans la vision stratégique de l’état visant d’introduire les pratiques de la bonne conduite des affaires publiques, notamment la transparence des procédures, et la gestion axée sur le résultat, la performance et l’efficience dans l’exécution des projets d’investissement.

Ainsi, de tenir compte d’une logique objective de suivi et d’évaluation des résultats obtenus, de développer une culture de reddition des comptes et des méthodes d’évaluation des actions entreprises par les décideurs conformément aux standards et exigences internationales en la matière…

Par ailleurs, et pour une mise en place saine de ce système, les pouvoirs publics ont élaboré un dispositif de ciblage global de toute la population afin de mieux visualiser et circonscrire le champ d’intervention en faveur des couches sociales démunies.

La collecte des données via le déploiement d’un tel dispositif de ciblage va permettre de mieux assurer le management des principaux filets de sécurité, tout en facilitant le recours à des instruments de paiement modernes via guichet et applications mobiles bancaires sécurisées…, dont la perspective de créer un organe unifié chargé de coordonner et de superviser l’ensemble des régimes de protection sociale.

Rappelons que le gouvernement recourt à ce mécanisme de ciblage des populations défavorisées en réponse aux carences du système actuel de subventions qui produit l’inverse des résultats escomptés en profitant aux ménages aisés de manière importante et au détriment des pauvres. Ce dispositif vise à améliorer l’adéquation, la pertinence et l’adaptabilité du système de protection sociale afin d’atténuer l’impact des chocs économiques endogènes et exogènes.

Cette politique de ciblage vise un transfert monétaire au profit des vulnérables et pourrait fournir l’opportunité de remplacer progressivement le système de subventions dispendieux et non efficace actuellement en place.

D’ailleurs, l’exécutif a commencé à déployer les registres de ciblage, conformément aux dispositions de la loi n° 72.18 relatifs à l’élaboration d’un dispositif de ciblage au profit des bénéficiaires des programmes d’appui et soutien social supervisés par les administrations publiques, les collectivités territoriales et les organismes publics.

La mise en application d’un tel registre à vocation social peut permettre l’implémentation d’un système d’aide spécifique, dont la cadence de production de programmes pouvant être renforcés ou réduits suivant les situations et varient selon les besoins des populations visées.

Cependant, ces mécanismes de ciblage seraient plus efficaces pour protéger les pauvres contre les multiples aléas et chocs, y compris celles économiques, comme en témoigne, la tendance actuelle des pressions inflationnistes sur les produits alimentaires de base, ce qui pourrait contribuer davantage à améliorer l’efficacité de l’allocation des ressources et faciliter les adaptations à telle situation. 

II- Financement de la protection sociale : clé de voûte de la durabilité du système.

Sur le volet du financement, le défi de la durabilité et de maintenir les caisses sociales viables et pérennes à long terme, reste une question centrale qui nécessite la collaboration et la coordination de toutes les forces de la nation.

Certes, et outre, la méthode du budget optimisé par regroupement des acteurs, il sera nécessaire de renforcer et pérenniser le financement par des sources additionnelles, pour faire face au différentiel du gap subsistant en termes de ressources et dépenses, dans un esprit favorisant l’efficience et l’impact positif sur le citoyen.

Ainsi, Les prévisions financières quant à l’enveloppe budgétaire nécessaire à la réalisation de ce méga-chantier, à l’horizon 2025, table sur un montant valant 51 milliards de dirhams comme moyenne annuelle.

La ventilation de ce montant sera réparti entre les quatre composantes des programmes du chantier de la réforme de la protection sociale, à savoir : premièrement la généralisation de la couverture médicale de base (AMO) dont le coût s’élèverait à 14 milliards de dirhams.

Deuxièmement, on trouve le programme des allocations familiales dont le coût d’exécution valait 20 milliards. Troisièmement, une enveloppe budgétaire de 16 milliards de dirhams serait dédié à l’extension de la base des adhérents au régime de retraite et finalement  1 milliards de dirhams, est prévu pour les bénéficiaires du programme social de l’indemnité de perte d’emploi.

En ce qui concerne les sources de financement de cette réforme d’envergure, les prévisions tablent sur une participation de solidarité sociale de l’État aux n’ayant pas la capacité de cotiser et contribuer aux différentes caisses de prévoyance et de solidarité sociale.

L’engagement budgétaire prévu est de l’ordre de  23 milliards de dirhams qui seraient pris en charge par le Budget général de l’État, dont l’effort de mobilisation financière serait ventilé entre : une part émanant du budget de l’État, les recettes fiscales réservées au financement de la protection sociale, les ressources disponibles suite à la réforme de la compensation, les dons et legs, ainsi que toutes les autres ressources qui peuvent être mobilisées en vertu, de textes législatifs ou réglementaires en vigueur ou à envisager.

Pour le reliquat qui reste, soit 28 milliards de dirhams, seraient pris en charge par le système contributif participatif des affiliés.

Dans ce sillage, et pour une mobilisation durable des ressources financière nécessaires à une meilleur mise en marche de ce chantier, les Lois des Finances des années 2021 et 2022 ont mis en place plusieurs dispositions, notamment l’instauration de la contribution sociale de solidarité sur les bénéfices et revenus qui a permis de mobiliser environ 5 milliards de dirhams en 2021, et environ 6 milliards de dirhams en 2022, l’établissement de la TIC sur les pneumatiques, l’instauration d’une TIC applicable aux articles, appareils et équipements fonctionnant à l’électricité, ainsi que d’une TIC applicable aux appareils électroniques et aux batteries pour véhicules.

Ces recettes ont été destinées au «Fonds d’appui à la protection sociale et à la cohésion sociale ». Afin de pérenniser financièrement ce régime, le gouvernement « procède actuellement à une réflexion pour la mobilisation de nouvelles recettes fiscales dites additionnelles à même d’assurer un financement pérenne de ce chantier ».

La conclusion va nous mène à déduire que, la réussite du chantier de la protection sociale, reste tributaire de l’achèvement d’autres projets stratégiques, à l’image de la gouvernance et du financement (théâtre du présent article), sans oublier également la réforme du secteur de la santé et celle fiscale principalement sa frange sociale (prochain article).

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