Réforme de la protection sociale au Maroc : décryptage de la transition.
La réforme de la protection sociale entamée par le Maroc au début de cette nouvelle décennie est un chantier de grande envergure qui s’inscrit dans le cadre non seulement de la politique des grands projets, mais aussi par l’engagement d’honneur et le travail assidu que mène le Maroc à l’extérieur de son territoire afin de s’ajuster aux normes de la communauté internationale.
Cet élan international du Royaume se ressentie dans tous les domaines stratégiques, y compris l’adhésion à la recommandation de l’Organisation International de Travail (OIT) traitant de la protection sociale, en adoptant l’Agenda relatif aux Objectifs du développement durable (ODD) et en respectant les valeurs sociales universelles qui président à son implantation, particulièrement, de la solidarité sociale, de la non-discrimination entre les individus et de la démarche participative dans la protection des droits individuels et collectives.
Cette réforme des régimes de prévoyance visant la généralisation de la couverture sociale universelle à toute la population a été adopté par le parlement le 15 mars 2021, donnant naissance au projet de la loi-cadre 09-21 qui prend ses racines dans le discours Royal à l’occasion de la fête du trône de 2018 et confirmée par celui relatif au même événement le 29 juillet 2020. Parmi les objectifs prioritaires assignés à ce chantier, entre autre, la généralisation du régime de l’assurance obligatoire (AMO) et les allocations familiales, avant d’étendre celui-ci aux autres couvertures sociales, notamment la retraite et l’indemnité pour perte d’emploi.
L’adoption de cette loi a permis, en plus de la généralisation de l’AMO, le régime d’assistance médicale (RAMED) et l’extension de l’assurance maladie aux travailleurs non-salariés, à l’élargissement également du régime de retraite aux indépendants ainsi que la promulgation des mesures d’assistance sociale en faveur des populations démunies.
Ce projet social constituait, de ce fait, une consolidation incontestable des acquis démocratiques, c’est ce qui a avoué le ministère de la tutelle en la personne du Ministre de Finances datant le 15 avril 2021, en marge de la cérémonie présidée par SM le Roi, pour le lancement de sa mise en œuvre, que nous sommes devant « une résolution sociale sans précédente qui constitue un pilier de base pour garantir la dignité du citoyen, soutenir le pouvoir d’achat des plus grands groupes sociaux, protéger les catégories vulnérables et parvenir à la justice sociale ».
De ce qui est précité, la présente feuille sera dédiée à l’analyse de la reforme stratégique du chantier ambitieux de la protection sociale mis en exergue par les pouvoirs publics, tous en exposons dans un premier temps les tenants et les aboutissants de cette stratégie, alors que dans un deuxième temps, nous penchons sur les réalisations accomplies jusqu’à la fin de l’année écoulée de 2022.
1- Stratégie : la Politique publique intégrée de la protection sociale.
La Stratégie de la Politique Publique Intégrée de la Protection Sociale (PPIPS), à l’horizon 2030, telle qu’est a établi, à l’issue des premières Assises nationales sur la protection sociale de Skhirat en novembre 2018, se veut une feuille de route prometteuse ayant pour vocation de faire de la protection sociale un facteur déterminant de croissance économique, de développement et d’inclusion sociale. Les actions à mettre en œuvre dans ce sens devraient figurer parmi les axes prioritaires des politiques publiques pour en garantir l’efficacité, la cohérence et la complémentarité avec les autres composantes des programmes de développement.
Les principes qui conditionnent l’implémentation de cette réforme, ambitionne de mettre en place une couverture sociale au profit de tous les citoyens marocains, à travers la généralisation progressive de l’AMO, des allocations familiales, l’élaboration d’un système de retraite en faveur de la population active et d’indemnisation pour perte d’emploi au profit des Marocains ayant un emploi stable et régulier.
Par ailleurs, en compte trois orientations stratégiques associées à ce méga-chantier, entre autres, la réduction de la pauvreté et l’absorption des inégalités, à travers notamment l’octroi d’un revenu décent aux personnes et familles en situation de précarité et de vulnérabilité, créer un écosystème social propice à la protection et au développement de l’enfance, garantir des prestations sociales en valeur aux personnes en situation difficile, opter pour un accompagnement appropriée et harmonisée susceptible de participer au renforcement du capital humain, à la valorisation des droits sociaux et à la concrétisation de l’inclusion et la cohésion sociale.
S’agissant de deuxième axe majeur de cette politique de réforme, il est question de renforcer la résilience aux risques sociaux, via particulièrement la création des dispositifs qui visent la réalisation de plusieurs actions, en l’occurrence : faciliter l’accès aux soins de santé de base, développer une immunisation sociale contre les chocs liés à l’âge actif y compris la perte d’emploi, la couverture contre les risques relatifs à la vieillesse, élargir et généraliser la couverture médicale de base, soutenir et appuyer les personnes en situation de handicap, renforcer et diversifier les réponses d’assistance et d’aide sociale en faveur des migrants, réfugies, personnes qui éprouvent des difficultés en termes d’intégration et d’insertion dans la vie sociale.
Quant au troisième volet des orientations qui constituait un axe non négligeable et d’une grande acuité aux yeux du gouvernement, c’était bel est bien, de renforcer les mécanismes de gouvernance, de ciblage, de coordination, de pérenniser les moyens de financement et de suivi- évaluation afin de veiller à l’aboutissement d’une meilleure optimisation et pilotage de la performance globale du système d’ensemble.
La finalité, à terme, consiste à surmonter les dysfonctionnements et les contraintes qui pervertissent le système et ébranlent le sentiment d’aspiration du citoyen au droit au développement humain.
2- Les phases de la réforme de la protection sociale.
La réforme de la protection sociale est désormais envisagée dans le cadre d’un projet stratégique qui s’installe dans la durée, avec une période d’exécution et de déploiement quinquennal entre 2021-2025, articulé en deux phases.
La première phase est consacrée à l’aspect de la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire (AMO), devant couvrir les frais médicaux, de traitement et d’hospitalisation et des allocations familiales dans une mise en œuvre qui s’étendra de 2021 à 2023.
Les statistiques ne manquent pas pour montrer l’ambition de cette opération qui prévoit de couvrir 22 millions de nouveaux bénéficiaires en AMO de base. Par ailleurs, et concernant l’extension, celle-ci passe par l’affiliation à l’AMO : des travailleurs non-salariés (TNS), des professions structurées, mais non encore immatriculés à aucun régime de couverture médicale et les particuliers.
Parallèlement à ces mesures d’encouragement, l’État veille à l’application et l’intensification des mécanismes de contrôle pour lutter contre la sous-déclaration ou carrément la non-déclaration de nombreuses personnes qui travaillent dans des domaines moins structurés, à l’exemple notamment du personnel saisonnier opérant dans le secteur agricole en milieu rural. Pour y aboutir, l’État peut ainsi conditionner l’octroi des incitations fiscales prévues dans les plans sectoriels à la nécessité de déclarer l’ensemble du personnel en activité.
Sur le volet des allocations familiales, cette stratégie intégrée de protection sociale vise à garantir des indemnités forfaitaires pour préserver les d’enfants en âge de scolarisation, de certains risques sociaux qui privent et hypothéquez l’avenir de l’enfance, à l’image des déperditions et abondance scolaire prématurée ; Ainsi, sa généralisation sous forme d’aides forfaitaires mensuelles, profitera à près de sept millions d’enfants en âge de scolarité, et ce, en faveur de trois millions de familles.
Dans ce sillage, trois conventions-cadres sont signées pour définir le champ d’intervention. La première fait allusion à la couverture médicale de base, destinée à prendre en charge plus de 800 000 affiliées de la catégorie des commerçants, artisans, professionnels et prestataires indépendants soumis au régime de contribution professionnelle unique, au régime de l’auto-entrepreneur ou au régime de la comptabilité.
Alors que la deuxième convention fait référence à 500 000 individus bénéficiaires pour une couverture médicale obligatoire de base au profit des artisans et autres professionnels dudit secteur. Enfin, une troisième convention relative aux agriculteurs au profit de plus de 1,6 million d’adhérents, ainsi que d’autres conventions serviront de base pour assurer les professionnels indépendants : transporteurs, médecins, avocats, ingénieurs…
La seconde phase, quant à elle, serait étalée sur la période allant de 2024 à 2025 et sera consacrée à l’extension de la retraite et de l’indemnité pour perte d’emploi. Les prévisions, à cet égard, font état de la prise en charge, par le système de retraite, de près de 5 millions d’actifs bénéficiaires non titulaires d’un droit à une pension.
Dans ce sens, la généralisation de la retraite sera dédiée au profit de la population active, qui sera déclinée à travers la mise en place d’un système de retraite obligatoire pour les personnes actives leur permettant ainsi d’avoir une vie décente après l’âge de la retraite, sur la base d’un régime de solidarité contributif.
En ce qui concerne généralisation de l’indemnité pour perte d’emploi, une disposition sociale sera appliquée afin de permettre à l’ensemble des personnes qui exercent un emploi stable et régulier à en profiter. En outre, cette mesure sera accompagnée d’un allègement des conditions d’éligibilité pour améliorer son taux de couverture.
3- Protection sociale: bilan des réalisations.
Pour sentir l’état d’avancement des travaux de ce chantier, nous avons pris en compte deux dates récentes (entre septembre 2022 et janvier 2023) qui prouvent, chiffres à l’appui, des résultats salutaires et satisfaisants, fruits d’un travail acharné et de longue haleine de l’ensemble des acteurs sociaux concernés.
Au niveau des réalisations de cette première phase du chantier (2021-2023) a fait mi-chemin jusqu’au septembre 2022 sur le premier objectif relatif à la généralisation de l’assurance maladie obligatoire et des allocations familiales à plus de 22 millions de Marocains. Cette population de bénéficiaires comprend 11 millions de personnes qui sont aujourd’hui adhérents au Régime d’assistance médicale (RAMED) et un chiffre équivalent représentant les catégories des indépendants, entre autres, les commerçants, les agriculteurs, les artisans, auto-entrepreneurs… qui exercent une profession libérale.
Le bilan dit rassurant jusqu’à cette date fait montrer un état d’avancement significatif de l’opération avec l’immatriculation de plus de 2 millions de travailleurs non-salariés à la CNSS répartis comme suit : 840 mille agriculteurs, 380 mille commerçants, 250 mille artisans et environ 300 mille auto-entrepreneurs.
En outre et jusqu’au janvier 2023, le Maroc a franchi la barre des 100% de personnes assurées par la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale (CNSS) c’est ce qui a révélé récemment le chef du gouvernement Aziz Akhannouch lors de son passage à la Chambre des Conseillers, disons « Désormais, nous sommes quasiment à 100% au lieu de 42% auparavant ».
Rappelant qu’« en l’espace d’une année, l’effectif global des assurés par la CNSS est passé de 7,8 millions de personnes à plus de 23,2 millions ». Ce chiffre a été atteint après l’affiliation de 3,6 millions de travailleurs non-salariés et de leurs ayants droit et de 9,4 millions de bénéficiaires de l’AMO-Tadamone (les ex-bénéficiaires du (RAMED)). Dans ce sens, l’État, rappelons-le, prend à sa charge les cotisations pour cette catégorie vulnérable qui compte, selon les estimations, 4 millions de familles.
La généralisation se fait sentir concrètement. Jusqu’a présent, plus de 642.000 dossiers de remboursement ont été soumis. Pour ce qui est des personnes soumises au régime« AMO-Tadamone» (les ex-bénéficiaires du RAMED), 53.400 dossiers sont pris en charge par mois, selon les données livrées par M. Akhannouch.
Sur les meilleurs payeurs des catégories des contributeurs de quelques professions nouvellement intégrées dans l’AMO et qui s’acquittent de leurs droits de façon exemplaire, Akhannouch a cité en exemple le cas des auto-entrepreneurs, dont la totalité a payé ses cotisations, c’est le même cas pour les guides touristiques dont 87 % ont réglé leurs comptes avec la CNSS.
Quant aux commerçants, artisans et autres assujettis à la Contribution professionnelle unifiée (CPU), 77% ont payé les leurs. « Cela prouve qu’on avance », s’est-il félicité, soulignant la nécessité que tout le monde contribue à la cohésion sociale.
Dans la même veine, le chef de l’exécutif, a mis le point sur la pérennité de ce nouveau système de réforme mis en place, qui ne saurait durer que si tout le monde s’acquitte à payer leurs dus. En effet, pour prendre l’exemple des travailleurs indépendants, 16% ont payé leurs cotisations, selon les chiffres de la CNSS, disons que « Ceux qui sont inscrits doivent cotiser et ne pas attendre jusqu’à ce qu’ils tombent malades ».
En guise de conclusion, relevé les défis de la réussite de cette réforme et de maintenir sa durabilité, ne peut être concrétisée que par l’achèvement des autres politiques-satellites qui travaillent dans l’orbite de ce grand chantier, notamment la politique de gouvernance, de financement, de santé, de ciblage, etc.
La réforme de la protection sociale telle qu’est l’a été exposée dans ces lignes et à l’instar des chiffes rassurantes et éloquentes en termes de réalisation sur lesquels nous sommes renseignés, … ne peut que constituait une étape charnière qui accélère la transition du Royaume en un pays émergent, et de lui donner la place qu’il mérite parmi les nations les plus favorisées.
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